MARJA AHTI




Où êtes-vous ?

Chez moi, à Turku.

Où auriez-vous dû être ?

S’il n’y avait pas eu la pandémie, j’aurais dû être à Paris en moment. Mais j’arrive à profiter de la situation actuelle et je suis aussi très heureuse là où je suis maintenant.


Que faites-vous en ce moment ?

Je marche, j’enregistre des sons, je compose, je cuisine, je lis, je passe du temps avec mon compagnon, et je passe du temps au téléphone avec des amis.


Qu’entendez-vous en ce moment ?

Mon voisin prend sa douche, et le réfrigérateur grince. Hormis cela, c’est plutôt calme. Notre appartement donne sur une colline où se trouve une ancienne prison. De temps en temps, nous y apercevons des voitures. Il y a des colombes qui roucoulent dans l’arbre face à notre balcon, et parfois nous entendons chanter une pie. Cela ressemble à un samedi matin.


Mettez-vous cette période à profit pour faire de la musique ?

Oui, faire de la musique me permet de garder le cap et de me sentir bien. J’ai adopté de nouvelles habitudes, comme de faire des promenades tous les matins avec un enregistreur et un micro dans les mains. En Finlande, nous avons toujours le droit de sortir parce que cette zone est assez peu peuplée comparée aux grandes villes européennes. J’ai découvert de nouveaux chemins aux alentours de chez moi que presque personne n’emprunte, comme la voie ferrée qui mène au port. Je travaille avec une plus grande liberté que lors de ces derniers mois, où j’ai beaucoup voyagé et travaillé sur des projets très variés. J’ai aussi de nouveaux matériaux sonores, enregistrés en janvier dernier sur le synthétiseur Coupigny lors de ma résidence à l’INA GRM, et c’est super de pouvoir prendre le temps de travailler avec.



Comment sera le monde d’après ?

Personne ne le sait. De toute évidence, il y a un certain nombre de choses qui auraient déjà dû changer depuis longtemps et j’espère de tout cœur que cela va pouvoir enfin commencer : l’industrie agroalimentaire, la répartition des richesses, la finance.


Comment peut-on soutenir la communauté musicale ?

Tout d’abord, en se servant de la musique des uns et des autres comme d’une source de joie et de sens, tout en faisant de la musique soi-même pour apporter sa pierre à l’édifice. C’est ce pourquoi nous faisons ça en premier lieu. Faire preuve de solidarité, et soutenir sa communauté, acheter de la musique directement auprès des artistes, des magasins de disques, des labels et des éditeurs, plutôt que d’utiliser les plateformes de streaming. Demander le soutien de son gouvernement. Ne pas considérer que l’art va de soi.


Cinq recommandations musicales ?

Il y tant de musiques fantastiques, mais là tout de suite, sans trop y réfléchie, voici les disques que j’ai beaucoup écouté ces dernières semaines, ou même depuis plus longtemps :


  • Lori Goldston : Things Opening
  • Mark Vernon : Paper Gestures
  • Luiz Henrique Yudo : Chamber works
  • Moniek Darge : Sounds of Sacred Places
  • Catherine Lamb : Shade/Gradient


Un livre ?

Cold Mountain est une collection de poèmes attribués à Hanshan, un poète chinois de la dynastie des Tang. Personne ne sait vraiment qui il était, si jamais une telle personne a réellement existé ou non, ou s’il s’agit en fait d’une œuvre collective réalisée sur une longue période. On raconte qu’il était un ermite, vivant dans une contrée montagneuse et reculée, et écrivant dans la tradition du Tao et du Chan, mais que ce soit vrai ou non, les poèmes parlent d’eux-mêmes.


Que ferez-vous lorsque l’épidémie sera terminée ?

J’irai voir des amis et ma famille, et j’essayerai de reprendre prise avec ma communauté et mon activité musicale, en jouant et en organisant des concerts à nouveau. Quand cela nous est possible, il faut se retrouver et partager la musique.


Liens :
www.marjaahti.com
www.marjaahti.bandcamp.com

Photo : Kitti Nurmi

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