Drew Daniel


Où êtes-vous ?

Je suis chez moi à Baltimore.


Où auriez-vous dû être ?

Jusqu'ici, tous mes déplacements universitaires/personnels prévus à Denver, au Colorado, à Philadelphie en Pennsylvanie et à Ellsworth dans le Maine ont été annulés, donc beaucoup de voyages pour des conférences et des colloques qui ne vont pas se faire. C'est la même chose pour les concerts de Matmos qui étaient prévus à travers l'Europe et les USA, et pour mes performances solos pour The Soft Pink Truth. En gros, les prochains quatre ou cinq mois ont été vaporisés en clin d'oeil.


Que faites-vous en ce moment ?

Chaque jour a sa propre routine bien précise. Je prépare du café, je prends mes médicaments, je fais le petit déjeuner, le nourris chat, je travaille sur des trucs universitaires ou sur de la musique, je prépare le déjeuner, je sors faire une espèce de promenade dehors, je rentre, je travaille sur des trucs universitaires ou sur de la musique, je vais peut-être faire un semblant « d'exercice physique », nous faisons le dîner avec Martin, nous regardons un film ou bien une émission, je retourne travailler/lire, je raffine mon Latin avec un logiciel d'apprentissage, je regarde un autre film, je vais me coucher, je lis, je m'endors, et ça se répète. J'ai l'impression que ces journées complètement interchangeables passent plus vite alors qu'elles sont soumises à un programme assez serré que je me suis complètement imposé à moi-même.


Qu’entendez-vous en ce moment ?

J'entends les oiseaux et les voitures par ma fenêtre située devant l'hôpital. Il possède une plateforme pour les hélicoptères qui atterrissent de plus en plus fréquemment pour transporter les personnes gravement malades.


Mettez-vous à profit cette période de confinement pour faire de la musique ?

Pendant les deux premières semaines, pas du tout. Je maintenais la tête hors de l'eau comme on dit, en me rattachant aux diverses obligations professionnelles, en m'occupant des tâches domestiques, ou bien en me laissant aller tout simplement. J'ai surtout enregistré un cours de 11 heures sur Shakespeare, et je l'ai monté avec Martin avant de l'envoyer à mes étudiants. Ce n'est qu'ensuite que j'ai trouvé l'inspiration de faire des field recordings de mes balades quotidiennes, and j'ai aussi commencé un nouvelle pièce à la maison. Donc ça a pris quelques semaines, mais maintenant j'arrive à utiliser ce temps pour faire de la musique.


Comment sera le monde d’après ?

J'ai des espoirs et des craintes. L'espoir est que les gens se souviennent de tout ce à quoi ils ont réussi à renoncer, et de tout ce qui compte le plus (la santé, l'amour, la communauté, la collectivité et le souci des autres), et que le rapport des gens avec la société et l'état s'oriente vers une approche anarchiste, autogérée et communautaire. Ce serait super que les gens réalisent que ce qui était « normal » ne fonctionnait en fait pas bien, que ça nous faisait du mal, et que l'on commence à avoir des attentes différentes concernant notre rythme de vie. Ma crainte est qu'il y ait une amnésie collective et que les choses empirent : que cela polarise encore plus les relations entre la Chine et les USA ou bien que cela provoque une crise économique mondiale qui renforce le fascisme et les démagogues autoritaires qui promettent de punir un « ennemi » imaginaire, et consolide les étroitesses d'esprit ethno-nationalistes. En d'autres termes, ça pourrait aller très bien, comme très mal.


Comment peut-on soutenir la communauté musicale ?

J'ai « assisté » à des concerts virtuels où vous pouvez donner de l'argent aux artistes et discuter avec les autres autres membres du public. J'ai aussi acheté BEAUCOUP de musique sur Bandcamp, qui rémunère les artistes plus directement que les plateformes de streaming. Donner plus d'attention et d'argent en définitive.


Cinq musiques à conseiller ?

Costin Miereanu, Luna Cinese (1975)
Human Flesh, A Collection of Ambient Music (1986)
Mauve Sideshow, Mauve Sideshow (1993)
Id M Theft Able, Endless Blooper (2011)
Khaki Blazer, Coco Nara Deezer (2016)



Un livre ?

Ce serait prétentieux de conseiller l'Éthique de Spinoza ? Je lis la traduction de George Eliot en ce moment, et c'est très émouvant d'y revenir. C'est toujours confondant, brillant, différent, provoquant, exigeant, utile. Donc, oui, lisez ça.


Que ferez-vous quand vous sortirez ?

J'espère que je ne redeviendrai pas l'épave stressée, pompeuse et égocentrique que j'étais... Mais c'est probablement ce qui va finir par arriver.


Liens :

https://matmos.bandcamp.com/music

Articles les plus consultés