Keith Fullerton Whitman


Où êtes-vous ?

À Fort Greene, Brooklyn.



Où auriez-vous dû être ?

Ici même à vrai dire, à New York, pour faire un concert avec Daniel Neumann & Kamran Sadeghi sur le système Jupiter de Jim Toth. Mais sinon, tous les voyages et les plans prévus dans un futur proche et lointain sont suspendus, pour une durée indéterminée.


Que faites-vous en ce moment ?

L'école à la maison le jour. Et pour le soir, j'ai pris tout ça comme un signe qu'il fallait mettre un terme à mon « ermitage » pour reprendre contact avec les autres autant que possible ; en prenant des nouvelles de leurs vies et de leurs travaux, puis en discutant de la façon dont ils s'en sortent et de leurs visions du futur.


Qu’entendez-vous en ce moment ?

J'entends mon fils qui danse à l'étage du dessus sur Bangin' on King Drive de RP Boo, ses pieds battent le plancher, projetant des traînées de poussière à travers les planches dans le sous-sol où je me trouve. Mais j'entends principalement les sirènes, sans arrêt. Le Brooklyn Hospital Center n'est qu'à quelques blocs d'ici, et c'est l'un des centres de traitement du virus ; côté sonore, nous n'avons pas vraiment eu de répit par rapport à la réalité de ce qui se produit au pied de notre porte, seulement quelques moments d'oubli via de la musique, des films, ou des activités domestiques.


Mettez-vous à profit cette période de confinement pour faire de la musique ?

Absolument ; la plupart des freins que j'ai tendance à utiliser pour me démotiver ont été détruits par l'attention constante portée à l'intensité de l'épidémie. J'ai pris la décision il y a plusieurs dizaines d'années d'avoir la musique comme point de référence de mes activités, et bien que cela paraisse souvent futile, continuer à explorer, construire, créer, conceptualiser, et faire de la musique a toujours été une source de réconfort. Je travaille sur deux commandes, qui sont tombées à point nommé, et ensuite je me replongerai dans mes archives de travaux incomplets et inachevés pour essayer d'en terminer le plus possible ; cela se révèle également très thérapeutique.


Comment sera le monde d’après ?

Sévèrement blessé, et la reconstruction du tissu culturel et des communautés autour va prendre des décennies. Les esprits resteront majoritairement intacts ; je suis rassuré de voir que tout le monde reste concentré sur ses objectifs et de voir à quel point tout le monde a travaillé dur pour trouver des alternatives aux salles de concert où cela s'est principalement propagé.


Comment peut-on soutenir la communauté musicale ?

En gardant les individus et leurs idées dans nos vies, et en continuant de se nourrir et de se réunir autour de l'art, qui emplit une portion significative de notre psyché et de notre attention. Un des aspects les plus marquants de notre vie musicale se retrouve dans le partage des expériences, et c'est cela qui manque le plus à tout le monde. J'ai beaucoup aimé assister aux différentes performances et aux festivals en streaming (ESS à Chicago, par exemple, a fait quelque chose de formidable) mais la principale force de soutien est venue de Bandcamp et de ses actions répétées au bénéfice des artistes ; c'est probablement le seul exemple d'entreprise moderne qui ait bien voulu sacrifier son chiffre d'affaire, même temporairement, au profit de quelque chose de profondément vertueux pour ses utilisateurs. C'est difficile de minimiser l'aide que ça a pu représenter.



Cinq musiques à conseiller ?

Udo Kasemets / George Cacioppo, Synergetic Sonorities
Jon Also Bennett, Music for Save Rooms
Lea Bertucci, Acoustic Shadows
Rashied Ali & Frank Lowe Duo, Exchange: Complete Sessions
Bookworms, Dyslexia One & Two



Un livre ?

The Smell of Ink and Soil: The Story of (edition) Hansjörg Mayer, de Bronac Ferran


Que ferez-vous quand vous sortirez ?

Je continuerai.


Liens :
www.keithfullertonwhitman.com

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